Programmes épigraphiques et réseaux d’inscriptions

Vendredi 22 janvier 2021 de 9h45-18h

Journée d’études internationale

 

 

 

Présentation

Dans le cadre de l’appel à projet 2020 de SCRIPTA PSL, l’action Réseaux d’inscriptions et programmes épigraphiques dans l’Occident médiéval propose une exploration de la notion de « programme » dans son application aux réalisations épigraphiques du Moyen Âge latin, en particulier dans le domaine funéraire, et plus généralement dans le cadre des phénomènes commémoratifs à grande échelle.

Les grandes collections épigraphiques ont fait le choix, d’abord pour l’Antiquité, puis pour le Moyen Âge, d’une présentation des corpus en « notices » individuelles. Elles sont fondées sur l’identification et la qualification d’une unité textuelle ou matérielle à laquelle l’éditeur attribue un nom, une date et un numéro, et qui devient dans la pratique de l’épigraphiste ce que l’on désigne sous le nom d’inscription. Les volumes des corpus d’inscriptions pour le Moyen Âge présentent ainsi une succession d’unités ecdotiques plus ou moins concordantes avec la réalité historique, qu’ils mettent à disposition sous forme de fiches juxtaposées, regroupées selon la date, la localisation ou la fonction supposée des inscriptions. En privilégiant de la sorte la création d’une collection épigraphique justifiée par les pratiques de la discipline elle-même, l’édition fabrique une nouvelle réalité documentaire, parfois fort éloignée de l’état historique des inscriptions. Elle sépare en notices ce qui est unique et solidaire dans le lieu épigraphique, elle empêche la saisie des associations visuelles ou matérielles d’un texte à l’autre, elle brise les phénomènes de réseau et de tissage. Si l’édition électronique et sémantique gomme aujourd’hui les inconvénients de cette pratique, rendant la notion de « notice » caduque ou presque, et si l’on saisit par ailleurs les avantages d’une telle présentation par numéro d’entrée, on constate pourtant combien elle a pu nuire à l’analyse connectée des inscriptions et à leur appréhension sur le temps long ou à l’échelle du lieu épigraphique, qu’il s’agisse d’une œuvre d’art, d’un monument, d’une ville.

Parmi les phénomènes épigraphiques encore à étudier du fait de la fragmentation éditoriale se trouve la notion de « programme » à laquelle nous proposons de consacrer cette action SCRIPTA ( https://scripta.psl.eu/). Très critiquée par les historiens de l’art, elle n’a jamais été envisagée pour la pratique épigraphique alors qu’un certain nombre de sites en Europe témoignent d’une utilisation continue, planifiée et cohérente des inscriptions, principalement dans le domaine funéraire. Les ensembles lapidaires de Maguelonne, d’Elne, de Saint-Bertrand-de-Comminges, de Saint-André-le-Bas de Vienne, de la cathédrale de Tarbes en France, mais surtout ceux d’Alcobaça au Portugal, de San Juan de la Peña et de Roda de Isábena en Espagne offrent des exemples spectaculaires de programmation des usages épigraphiques. La prise en compte de ces ensembles parfois considérables d’inscriptions – 100 textes pour Alcobaça, plus de 230 pour Roda de Isábena – témoigne de la création d’un maillage textuel inscrit dans les structures mêmes des institutions religieuses (le cloître, l’église) accueillant la mémoire des défunts par la sépulture ou la célébration liturgique. Rédigés à des dates différentes, de contenus variés et obéissant à des mises en forme distinctes, ces textes construisent pourtant sur la longue durée un programme funéraire qui informent des intentions commémoratives de la part des promoteurs de ce qu’il convient de désigner sous le nom de campagnes épigraphiques.

Dans ce cadre, l’action Réseaux d’inscriptions et programmes épigraphiques dans l’Occident médiéval entend désolidariser, théoriquement du moins, l’inscription du moment de sa réalisation pour la penser dans la durée de son exposition et dans son fonctionnement avec les autres inscriptions qui viennent s’installer, au fil du temps, dans son environnement pour générer un maillage épigraphique plus ou moins dense. Dans cette construction commémorative, il faudra distinguer l’accumulation du programme, la diachronie de la synchronie, l’unicité du commanditaire de la pluralité des scripteurs, l’homogénéité de la diversité des formes, pour identifier in fine les ensembles relevant d’une véritable planification. Il s’agit donc de prendre le contrepied d’une approche muséographique de l’inscription qui tend à la couper de son milieu et de ses dimensions sociales, pour privilégier une approche « écologique » de l’écriture, incarnée dans un lieu et connectée aux différents objets textuels qu’il contient.

Cette journée d’étude, organisée à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, propose une réflexion très libre sur cette question à partir d’études de cas ou de définitions. Elle rassemblera une dizaine de chercheurs européens, spécialistes ou non d’épigraphie médiévale, et essaie de cerner les enjeux historiques et méthodologiques du sujet, avec pour objectif l’identification des relations matérielles et immatérielles existant entre les inscriptions d’un même lieu, et l’étude de leurs effets sur les systèmes de commémoration des morts et de représentation des individus et des commun.

Séance accessible en ligne à cette adresse :
https://webconference.ehess.fr/b/deb-pms-zuq

 

Programme