Faire l’histoire par les objets

Du 9 au 12 septembre 2024

Atelier doctoral (EHESS/John Hopkins University)

 

Présentation

Dans la cadre de l’accord de coopération entre l’EHESS et le département d’histoire à Johns Hopkins University, Vincent Debiais (AHLOMA) et Elisabeth Niederdöckl (AHLOMA) organisent à Baltimore du 9 au 12 septembre 2024 un atelier doctoral international consacré à la question des objets dans la démarche de l’historien, à toutes ces « choses » qui, sans constituer le sujet de la recherche, y trouvent leur place dans la création des connaissances. L’atelier réunit une quinzaine de doctorantes et doctorants pour des présentations étendues, des discussions et des séances de travail dans les musées. En attendant le départ, une présentation rapide de l’atelier, des participantes et des participants.

Les historiennes et les historiens ont toujours l’ambition de faire un sort à la question de la place de la culture matérielle dans la définition de leurs objets d’étude et l’établissement de leur démarche, ainsi que dans la présentation de leurs résultats. Le material turn a certes fait bouger les lignes depuis la toute fin du xxe siècle en ce qu’il a permis d’attribuer aux objets, aux matériaux et aux techniques le statut de « source historique » à part entière, en les faisant circuler au sein des disciplines plutôt que de les cantonner à l’apanage de l’archéologie, de l’histoire de l’art et de l’anthropologie. Malgré les questions posées par la conservation et la représentativité de ces objets, toutes les périodes livrent des éléments de culture matérielle aux dossiers de l’histoire religieuse, intellectuelle, économique, politique et sociale. L’histoire s’en empare au titre de preuve, d’argument, de source ou d’illustration. Si l’on s’arrête aujourd’hui pour les préciser sur les implications épistémologiques d’un quart de siècle de material turn, on ne peut que reconnaître tout l’intérêt de la démarche pour les disciplines historiques qui ont réinjecté l’objectalité, l’attention aux matériaux et la dimension anthropologique des « choses » au cœur de leur recherche, mettant en lumière les mécanismes de prestige et de distinction, ou les dimensions symboliques de realia parfois banales et quotidiennes.

L’un des principaux bouleversements heuristiques produits par le material turn se tient dans le passage d’une histoire des objets à une histoire par les objets. Échappant à la constitution de corpus et insérés dans un système documentaire mêlant des sources différentes, les choses permettent d’ancrer la réflexion historique dans le réel, d’incarner les idées dans des portions de matière et de teinter les développements d’une tonalité « terrienne », en apparence plus en prise avec le quotidien, le social, l’humain. Il est difficile de ne pas reconnaître les bienfaits rhétoriques d’une telle présence de l’objet dans le discours historien à condition de pointer dans le même temps les limites et les dangers éventuels de cette démarche qui conduit volontiers à faire de l’objet l’illustration d’un phénomène, à lui attribuer une agentivité dont on ignore la réalité, à patrimonialiser par l’écriture des artefacts pleinement inscrits dans le quotidien, à sacraliser la chose au détriment de celles et ceux qui la créent et l’utilisent, etc. Aussi cette histoire par les objets demande-t-elle une grande rigueur méthodologique et in fine l’établissement de règles strictes d’écriture qui mettent en tension l’objet historique et l’objet historien sans les mettre en conflit ; une écriture qui ne se trompe pas de sujet et qui met l’objet à sa place.

Ces précautions sont encore plus nécessaires dans le cadre du travail doctoral. L’exercice de la thèse attend en effet un exposé de la méthode qui définit précisément l’horizon théorique et épistémologique de la recherche d’une part, et un relevé systématique et raisonné des sources mobilisées pour le traitement de la problématique d’autre part. Le passage obligé par le corpus et l’historiographie est souvent un moment critique dans la thèse ; il l’est peut-être davantage quand il concerne la présentation et le traitement d’éléments de la culture matérielle, quand il s’agit d’aborder le livre plutôt que le texte, l’objet plutôt que l’image, le support plutôt que le contenu, l’artefact plutôt que l’acteur. Il s’agit d’un moment encore plus difficile à gérer quand la thèse ne porte pas spécifiquement sur les objets, quand ils apparaissent en pointillé au cœur des développements ; quand les objets ne sont simplement pas le sujet du travail doctoral. Le risque du mésusage – entre anecdote, illustration et surinterprétation – plane sur la thèse, et il faut confier à l’écriture le soin de composer ce « système des sources ».

C’est à ce sujet de l’histoire par les objets qu’est consacré l’atelier doctoral international organisé à Baltimore en septembre 2024 dans le cadre de l’accord de coopération entre l’École des hautes études en sciences sociales et Johns Hopkins University. Il réunit des doctorantes et des doctorants en histoire, en histoire de l’art et en anthropologie qui présenteront la place de la culture matérielle dans leurs recherches et les recours méthodologiques mis en place pour produire leurs réflexions.

En savoir plus

Lien vers le site EHESS

Programme

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Lieu

Johns Hopkins University
Department of History,
301 Gilman Hall,
3400 N Charles St,
Baltimore, MD 21218,
États-Unis