Spécial Roda de Isábena
Vincent Debiais (dir.)
Présentation
Le cloître de l’ancienne cathédrale Saint-Vincent de Roda de Isábena, au coeur des montagnes aragonaises, abrite la collection la plus importante d’inscriptions du Moyen Âge en Europe. Les arcades, les chapiteaux et les murs des quatre galeries présente aujourd’hui encore plus de 230 textes funéraires gravés dans la pierre entre le XIIe et le XIVe siècle et destinés aux membres du chapitre cathédral, aux chanoines et aux familiers de l’institution. Une telle quantité de textes, dont la qualité de composition et l’état de conservation sont exceptionnels, pose un certain nombre de questions historiques et anthropologiques autour de la culture écrite du Moyen Âge et de la commémoration des défunts ; elle représente également un défi épistémologique dans le relevé et l’exploitation des données. Jusqu’à ce jour, le cloître de Roda de Isábena avait bénéficié d’examens épigraphiques partiels, principalement centrés sur l’écriture des inscriptions. Avec la publication de ce dossier dans la revue In-Scription.Revue d’études épigraphiques en ligne, hébergé par le Corpus des inscriptions de la France médiévale, il s’agit de donner à la collection de Roda la place qu’elle mérite dans les études de la literacy médiévale. Ce dossier, composé de 17 textes et de plus de 200 figures, est le fruit d’importantes missions de terrain menées entre 2018 et 2020 par une équipe de six chercheuses et chercheurs aux compétences diverses (paléographie, épigraphie, histoire, archéologie, histoire des techniques, histoire des institutions). La publication cherche à mettre en lumière les stratégies commémoratives déployées par les chanoines de Roda sur le temps long de l’histoire de la communauté pour assoir et diffuser l’influence de la cathédrale sur les Pyrénées. Il montre également qu’une approche strictement épigraphique n’aurait pas permis d’apprécier les différentes modalités d’usage de l’écriture, les choix formels dans les graphies, les modifications qui ont affecté la structure du cloître et l’emplacement des inscriptions, les relations entre institutions ecclésiastiques, et la création de réseaux documentaires et de discours politiques complexes. Un travail collectif nécessaire pour une lecture en profondeur des phénomènes graphiques au Moyen Âge.